Cercle Condorcet de la Savoie
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La fin d’une utopie ?

  • Le 13/01/2019
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70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme : la fin d’une utopie ?

En 1948, le texte promettait de bâtir un nouvel ordre international. Soixante-dix ans plus tard, l’universalisme décline. Entretien avec Valentine Zuber, chercheuse à l’Ecole pratique des hautes études. (par Anne Chemin)

Publié le 06 décembre 2018 - Le Monde

Anne Chemin : Lors de la commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918, la chancelière ­allemande Angela Merkel a évoqué le 70anniversaire de la Déclaration ­universelle des droits de l’homme avec une certaine nostalgie. « Serions-nous aujourd’hui capables, en tant qu’assemblée des nations, d’approuver, comme en 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Je n’en suis pas si sûre », a-t-elle affirmé. Dans quel ­contexte ce texte fondateur est-il né ?

Valentine Zuber : Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le monde est en ruine : le conflit a fait 60 millions de victimes et il faut tout reconstruire. Ce moment représente une « fenêtre de tir » inespérée pour tous ceux, et ils sont nombreux, qui tentent d’imaginer les fondements du prochain monde : l’effroyable conflit de 1939-1945 est terminé et la guerre froide n’a pas encore commencé.

En 1948, les vainqueurs de la guerre, qui sont des pays de tradition libérale ayant, au XVIIIsiècle, rédigé des déclarations des droits de l’homme, emportent l’adhésion de dizaines d’autres Etats. Dans le comité de rédaction se côtoient ainsi l’Américaine Eleanor Roosevelt, le Français René Cassin, mais aussi le Libanais Charles Malik, le Chinois Peng-chun Chang, le Haïtien Emile Saint-Lot, le Chilien Hernan Santa Cruz et le Soviétique Vladimir Koretsky…

L’aventure des droits de l’homme internationaux a en réalité commencé dès 1941, avec le discours sur l’état de l’Union du président américain Franklin D. Roosevelt, qui propose, pour l’après-guerre, un nouvel ordre mondial fondé sur quatre libertés fondamentales – la liberté d’expression, la liberté de religion, la sécurité économique et la paix.

La même année, Roosevelt et Churchill esquissent une première réorganisation du monde avec la Charte atlantique et, en 1942, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’URSS, la Chine et vingt-deux pays, tous adversaires de l’Axe, dessinent les contours d’un nouvel ordre éthique et juridique international. Ils veulent construire, après la guerre, des institutions internationales fondées sur la philosophie des droits de l’homme et diffuser, par la persuasion et le droit, les valeurs libérales et démocratiques dans le monde entier.

« La Déclaration universelle des droits de l’homme est un projet politique global qui fait de la dignité de l’être humain

l’alpha et l’oméga du bon gouvernement »

Quels sont les principaux points de ce texte adopté le 10 décembre 1948 par 48 Etats, au Palais de Chaillot, à Paris ?

La Déclaration universelle des droits de l’homme est un projet politique global qui fait de la dignité de l’être humain l’alpha et l’oméga du bon gouvernement. Inspirée par une philosophie libérale des droits de l’homme, elle dote chaque individu d’un droit à la citoyenneté : nul ne peut être arbitrairement détenu et chacun peut se présenter aux fonctions publiques et jouir de la liberté d’expression, de religion, d’association, de réunion ou de circulation.

A ces droits civils et politiques, s’ajoutent, et c’est la grande nouveauté de la Déclaration de 1948, des droits économiques et sociaux qui doivent permettre l’exercice effectif de la liberté civile et politique – le droit au travail, le droit de s’affilier à un syndicat, le droit à être protégé du chômage et le droit à une rémunération « équitable et satisfaisante ». La Déclaration de 1948 a vocation à promouvoir les libertés individuelles et la dignité humaine sur toute la planète : c’est cette prétention à l’universalité qui lui confère un statut particulier dans le concert des textes internationaux rédigés depuis la mise en œuvre, au XVIIsiècle, du système moderne des Etats-nations. Cette nouvelle charte de la modernité disqualifie moralement les gouvernements qui font de la raison d’Etat l’unique étalon de leur politique.

Quelle forme prend cette proclamation universelle ?......

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