Cercle Condorcet de la Savoie
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LA NOMINATION, L’ACTION POLITIQUE et le DEPART de Pap NDIAYE

  • Le 18/09/2023
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LA NOMINATION, L’ACTION POLITIQUE et le DEPART de Pap NDIAYE

…. Qu’en penser ?*

*Avec l'aimable autorisation de nos amis du cercle Condorcet stéphanois

Au moment où la rentrée scolaire 2023 s’approche, avec un nouveau ministre - un de plus - il n’est peut-être pas inutile de revenir sur l’expérience de son prédécesseur avec la spécificité qui fut la sienne.

Sa personnalité, sa nomination, son action, sa « démission » méritent à coup sûr d’être analysées afin d’en tirer les enseignements utiles et peut être nécessaires.

C’est ce travail que nous vous proposons.

Farida GARARA et Marc MONDON

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La nomination le 20 Mai 2022 de Pap NDIAYE, qui a en son temps beaucoup fait parler et y compris dans nos rangs, avait ses partisans qui voyaient dans sa nomination une rupture fondamentale et indispensable avec son prédécesseur, Jean Michel BLANQUER.

Plutôt que du « En même temps » il s’agissait du « L’un après l’autre » !

Et d’autres (nous en étions) étaient plus circonspects car cela apparaissait surtout comme une opération de basse tactique politicienne.

Enfin on allait voir comment ce brillant intellectuel classé à Gauche allait s’en sortir.

Son arrivée rue de Grenelle fut immédiatement saluée par de violentes attaques de la Droite plus ou moins extrême et plutôt favorablement par la Gauche à l’exception notable de Jean Pierre CHEVENEMENT.

La Droite et l’extrême droite ne furent pas en reste : dès sa nomination, il dut porter plainte contre un « site nazi » au contenu glaçant « vociférant contre le cannibale NDIAYE destiné à promouvoir le génocide des blancs grâce à sa femme juive ».

Maintenant qu’il a quitté sa fonction, (pour être rapidement recasé comme ambassadeur) on peut tenter, de préciser et d’analyser, d’une part la personnalité du personnage, et d’autre part son action gouvernementale.

LA PERSONNALITE de Pap NDIAYE ...

... LA PERSONNALITE de Pap NDIAYE

Avant sa nomination à l’Education Nationale, Pap NDIAYE était connu comme un universitaire qui traitait avec beaucoup de prudence des sujets brûlants.
 

Fils de Tidiane NDIAYE « Premier ingénieur des Ponts et Chaussées de l’Afrique Subsaharienne » et de Simone ROUSSEAU « professeur de sciences en collège », il est aussi le frère de la femme de lettres Marie NDIAYE (prix Fémina 2001, puis prix Goncourt 2009).
 

Il affirme ne pas avoir souffert du racisme dans sa jeunesse passée dans une France universaliste et laïque : « Dans notre banlieue tranquille, il n’y avait pas de racisme » et précise même : « On avait oublié notre couleur de peau ».

Ses études brillantes agrégation d’Histoire et Normale Sup lui permettent de voyager aux USA et d’y rencontrer des militants des droits civiques. Il affirme même que c’est là-bas qu’il a « découvert le monde noir ».

Il se déclare donc naturellement comme le produit de « l’école républicaine française et de l’affirmative action américaine » et ne cessera d’osciller entre les deux modèles.

De retour en France, où il obtient un doctorat en sciences sociales, il devient professeur à Sciences Po reconnu comme un spécialiste de l’Histoire sociale des USA avant de prendre la direction du Musée national de l’histoire de l’immigration.

Les années 2000 marquent l’apparition d’un débat sur la question noire dans notre pays et au sein du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) il tient un discours plutôt raisonnable, loin des excès de certains gauchistes, et publie en 2008 « La condition noire » où il aborde les questions du racisme, du communautarisme, de discriminations.

Il n’est pas favorable alors à la reconnaissance d’une communauté noire » telle qu’elle existe aux Etats Unis.

Il prend aussi ses distances aussi bien avec l’UNIVERSALISME qui selon lui rejette les particularismes et qui lui semble trop abstrait et trop rigide … qu’avec l’IDENTITARISME dont il redoute qu’ il devienne sectaire à travers la mise en avant systématique des minorités.

Est-il woke ? Il s’en défend, et trouve que c’est « une manière de cliver » dans laquelle il ne se reconnait pas ; il préfère se dire « cool » formule qu’il emprunte à OBAMA. 

Pourtant, il l’était sans doute un peu parce qu’il disait se reconnaître dans certaines causes du mouvement, mais moins dans ses actions.

Il avait même un moment apprécié les réunions en non-mixité inspirées de la Gauche américaine et pratiquées en France par les gauchistes de Sud Education, réunions qui au nom d’un nouvel anti-racisme, ne sont qu’une forme nouvelle de racialisme gauchiste réhabilitant le concept de race … que notre combat universaliste et laïque a fait décliner.

Un wokiste très light donc, mais quand même un « ministre de l’école publique » qui inscrit ses propres enfants à « l ’Ecole Alsacienne » : une école privée parisienne non confessionnelle et sous contrat d’association où l’on peut surtout entrer par cooptation, et qui accueille avec un certain succès scolaire, les enfants d’une élite, les hommes politiques en particulier et plusieurs ministres de gauche n’y ayant pas fait exception.

Sur le virage décolonial d’associations syndicales comme l’UNEF et SUD, il critique « la mobilisation incontrôlée du vocabulaire de la race qui s’avère contre-productive ». Il ajoute même qu’elles « font du tort aux causes justes qu’elles prétendent servir et font fuir les bonne volontés ». Il affirme enfin : « Je crains que le sectarisme ne soit en train de l’emporter dans les mouvances décoloniales étudiantes. »

Sur le racisme d’état, slogan des identitaristes de Gauche, il déclare « Il y a du racisme dans l’Etat, il n’y a pas de racisme d’Etat » ce qui semble assez juste.

A propos de l’intégration et de l’assimilation, il distinguait avec pertinence en 2010 dans Le Monde «  L’INTEGRATION a quelque chose de plus accueillant par rapport à la diversité . Avec l’ASSIMILATION on demande aux immigrés de se comporter en tout point pareillement à ceux qu’on appelle Français. C’est une vraie injonction. »

Des positions humanistes, raisonnables, pour tout dire souvent de Gauche, un homme de consensus avec une distance vis-à-vis des extrémistes.

Un réconciliateur ?

En fait, chacun, à Gauche, Universaliste comme Identitariste peut trouver des points d’accord dans ses propos.

Alors un positionnement centriste ?

Son engagement politique date de 1980 quand il rejoint une structure pilotée par Jean Christophe CAMBADELIS et Benjamin STORA « Convergences socialistes » qui regroupe d’anciens trostkistes lambertistes qui vont alors adhérer au Parti Socialiste.

Avant de rejoindre Emmanuel MACRON en 2021 comme conseiller culture « officieux », il avait pris position dès 2012 pour François HOLLANDE.

Voilà donc rapidement brossé le portrait de l’Homme à qui Macron confia le ministère de l’Education … encore quelque peu nationale.

Après la gouvernance verticale et autoritaire de BLANQUER, le nouveau ministre a pu, dès sa nomination, bénéficier d’un capital de sympathie grâce à son sens de l’écoute, et du dialogue. Il méritait qu’on lui laisse sa chance.

Mais comme disait le Géronte de Molière « Que diable allait-il faire dans cette galère ? »

Certains le trouvent pondéré, raisonnable … d’autres ambigu, équivoque.
Pour savoir qui a raison, comment mieux faire que d’analyser son action comme ministre ?

L’ACTION POLITIQUE de Pap NDIAYE

Très disert sur les questions de l’anti-racisme et de discriminations, on ne lui connaissait pas de compétence particulière sur les questions de l’école, domaine complexe à propos duquel le président MACRON avait annoncé qu’il serait pourtant « un des enjeux majeurs » de son second quinquennat.

A son arrivée au ministère il s’arrêta dit-on un instant devant le portrait de Jules FERRY, à la fois le promoteur de l’école laïque et l’artisan de la politique coloniale au Tonkin. Il porta alors sur son illustre prédécesseur un jugement nuancé : « C’était un progressiste qui croyait au moins que les peuples indigènes étaient perfectibles par l’instruction ». Du Pap NDIAYE dans le texte.

Sa première visite officielle en tant que ministre était un bon début ; elle a été consacrée au collège du Bois d’aulne à Conflens Sainte Honorine, dans lequel enseignait Samuel PATY… dont a lu le mémoire de master d’histoire intitulé : «  Le Noir : société et symbolique 1815-1995 ; mémoire de recherche d’un apprenti historien ».

Mais il était surtout attendu sur la question laïque et sur sa capacité et sa volonté de défendre l’école laïque de la République.

Aussi nous analyserons son action à partir de trois dossiers

1°) LA DEFENSE DE L’ECOLE PUBLIQUE  … à travers sa réaction devant la multiplication des jeunes filles en abayas dans les établissements scolaires publics . Pour les garçons, cas beaucoup moins fréquent, il s’agit d’une tunique longue le quamis…

Le ministre NDIAYE a refusé de dire si l’abaya était un vêtement ostensiblement religieux ...

Dossier certainement difficile que celui des abayas.

 Il y a d’abord le comportement et le discours des élèves concernées : « C’est pas religieux », « C’est mon style » « C’est culturel » ! Voilà ce que répondent les lycéennes … qui ne font que reprendre les éléments de langage portés par les influenceuses qui diffusent sur Tik Tok des vidéos encourageant le port de ces longues robes de tradition moyen-orientales portées sur d’autres vêtements.

Visionnées des millions de fois, ces clips n’ont d’autre but que d’inciter les élèves à remettre en cause la loi de 2004.

Dans son excellent livre, très documenté, « Le péril Dieu »  » Tristane BANON nous précise d’abord que «  Dès le début des années 1980, après la prise de la grande Mosquée de La Mecque par les fondamentalistes islamistes, une police des mœurs est mise en place en Arabie saoudite, la muttawa … qui vérifie que les femmes portent bien les codes vestimentaires en vigueur, pour les femmes l’abaya »

Puis que « Le 5 septembre 2021, les Talibans annoncent … les femmes devront porter l’abaya… »

Alors, religieux pas religieux ? En tout cas intégriste.

Alors que Pap NDIAYE tergiverse, sa collègue secrétaire d’état à la citoyenneté qui déclara le 4 octobre 2022 que « Bien sûr les abayas sont des marqueurs religieux » ajoutant même que celles qui portent ce vêtement à l’école publique « le font par provocation »

 Il y a ensuite le soutien et la protection que l’Etat républicain doit apporter aux personnels de l’Education Nationale et qui avait manqué à Samuel PATY.

Lors de la première rentrée assumée par le nouveau ministre, celui-ci déclare le 30 septembre 2022 que « les remontées confirment une hausse des signalements en particulier des fameuses abayas qui semblent se multiplier ».

Une note du ministère aux recteurs va alors rappeler la loi de 2004 et le vade mecum de la laïcité ainsi que la jurisprudence en vigueur: l’abayas comme le quamis « ne sont pas par nature des signes d’appartenance religieuse, mais peuvent le devenir au regard des comportements de l’élève. »

Les éléments d’appréciation pouvant être pris en compte sont :

- le port régulier de la tenue

- la persistance du refus de l’ôter

- le fait que ces tenues soient traditionnellement portées lors des fêtes religieuses.

C’est un ensemble de signes qui peuvent pointer dans une direction. Et selon le ministre, c’est aux seul chefs d’établissements qu’il revient de « juger si la tenue est de nature religieuse. »

Ceux-ci pourtant réclament avec force des clarifications et des consignes claires.


L’analyse de Pap NDIAYE est bonne : Il déclare le Monde du 25 juin 2022 que «  le problème ce sont les islamistes qui portent un projet politique de destruction de la République » … mais le manque de courage politique nous rappelle douloureusement celui de Lionel JOSPIN (inspiré par son fameux « conseiller » Claude ALLEGRE) lors des premiers incidents survenus en octobre 1989 au Collège Gabriel HAVEZ de CREIL.

On eut apprécié que Pap NDIAYE qui se disait fier de travailler sur bureau qui fut celui de Jean ZAY l’eut aussi pris comme modèle, en calquant sa politique sur l’illustre ministre du Front Populaire, lui qui rédigea trois circulaires très claires pour mettre l’école publique à l’abri des influences politiques et religieuses … circulaires abrogées par la Loi JOSPIN de 1989.

Dernière minute : le 28 août la presse nous apprend que le nouveau ministre Gabriel ATTAL a enfin pris la décision qui s’imposait pour ne plus laisser les chefs d’établissement seuls face au problème de l’abaya. A suivre ...

2°) LA DEFENSE DE LA LAICITE à travers l’affaire du Conseil des sages de la laïcité :

Cet organisme, créé en 2018 fut une des rares bonnes initiatives du ministre BLANQUER.

Cette instance réunit sous la présidence de la sociologue Dominique SCHNAPPER un ensemble d’experts pour conseiller le ministre et soutenir le corps professoral face aux atteintes au principe de laïcité dans les établissements publics.
A la rentrée 2022, on avait recensé officiellement plus de 1 000 signalements en deux mois !

A lieu de confirmer cet organisme, Pap NDIAYE s’est employé à l’affaiblir :

- en lui supprimant le droit à s’autosaisir,

- en noyant sa fonction par l’élargissement de ses compétences,

- en y faire entrer des personnalités connues pour leurs positions anti-laïques en particulier Alain POLICAR sociologue adversaire bien connu de la loi de 2004. Un peu comme si le Vatican avait choisi un athée convaincu et militant pour juger du respect du dogme catholique !

Dans son ouvrage « Religion. Le retour ? » (Editions La Découverte) Alain POLICAR dénonce régulièrement un « républicanisme de combat qui invoque la laïcité comme un rempart contre le fondamentalisme », tout comme il considère que la loi de 2004 imposant « l’interdiction du foulard islamique " (en réalité l’ensemble des signes ostensibles) à l’école publique est une « restriction de liberté. » Il soutient bien sûr le combat du « burkini » dans les piscines.

Sur le site AOC média il reprend même le concept de « racisme systémique » pour qualifier notre système républicain, et défend l’idée d’une « laïcité de coopération » de type anglo-saxon… qui n’est en fait qu’une forme de tolérance et rejette la séparation des Eglises et de l’Etat.

Pas très rassurant quand il s’agit d’être un « sage » sur la question laïque !

Pap NDIAYE qui dès sa nomination se plaçait dans le sillage de Samuel PATY dut alors essuyer dans la presse une tribune de … la soeur de Samuel PATY : « N’assassinons pas la laïcité ».

Tout est dans le titre, particulièrement justifié !

3- LA QUESTION DE LA SEGREGATION SCOLAIRE

Dès son arrivée rue de Grenelle le nouveau ministre a dû trouver beaucoup de dossiers urgents : la revalorisation salariale des enseignants, la réforme concrète du lycée professionnel … mais aussi deux dossiers avec lesquels ses engagements passés devaient lui permettre d’être particulièrement à l’aise : il s’agit de PISA et de l’I.P.S.

De quoi s’agit -il ?

- PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis) : il s’agit d’une enquête internationale auprès de 600 000 élèves de 15 ans dans 79 pays et rendue publique en 2018 par l’OCDE.


- IPS (Indice de Position Sociale) il s’agit d’une analyse de l’école française conduite au niveau des collèges. C’est un outil statistique qui permet de définir le profil social des établissements, une sorte de « thermomètre des chances de réussite scolaire des élèves ».

L’IPS va plus loin que la simple catégorie sociale des parents en intégrant des éléments tels que la taille de l’appartement, l’accès à un ordinateur, le capital culturel…

- Que dit PISA ?

Le rapport fait apparaître clairement que le point noir des résultats français reste les inégalités sociales et scolaires : « L’école ne corrige pas assez les inégalités de naissance et peine à enrayer la reproduction sociale ».

Il affirme ainsi que « la mixité sociale n’est pas neutre sur l’évolution des écarts de niveau » on pourrait même ajouter qu’ils s’accentuent.

- Que dit l’IPS ?

Le ministère pensait pouvoir garder secret ce rapport explosif … élaboré par ses propres services en 2016. Le tribunal administratif en a jugé autrement et l’a forcé à le rendre public pour 32 019 écoles 6 967 collèges et 3 067 lycées. (consultable sur le site du ministère)

- Les deux rapports détectent globalement un système à deux vitesses avec une école privée en grande partie réservée aux enfants privilégiés et une école publique devant accueillir tous les autres. Et que la « concurrence » entre les deux systèmes ne se fait pas à armes égales.

IPS en particulier montre que la différence de composition sociale entre public et privé a fortement progressé : le privé devient de plus en plus sélectif socialement et scolairement. En 20 ans +14% d’élèves de milieu favorisé et -9% d’élèves de milieu défavorisés.

Si le privé sous contrat continue depuis des années d’accueillir la même proportion d’élèves (autour de 17%), mais ce qui évolue c’est la concentration des élèves favorisés.

Avec le financement de l’Etat les écoles privées sont devenues très largement des écoles de « classe ».

S’il est donc incontestable que la concentration des élèves les plus favorisés se trouve dans les établissements privés, on note cependant de fortes disparités territoriales, les grandes villes présentant à la fois les plus forts taux de ségrégation et les IPS les plus élevés.
A Paris et Lyon, c’est particulièrement observable et cela correspond à la tradition élitiste des congrégations comme les jésuites et les maristes.

A Nantes l’école privée catholique est plus l’héritière du « catholicisme social » et les élèves défavorisés sont plus nombreux. On y trouve des collèges privés pour défavorisés et d’autres collèges pour privilégiés.

Il arrive aussi que dans des petites villes ou villages l’école privée accueille tous les enfants en l’absence d’école publique.

Des familles musulmanes inscrivent même leurs enfants dans les écoles privées catholiques par opposition aux écoles publiques et à leur vigilance laïque. La loi de 2004 n’y étant pas appliquée, théoriquement, le voile ou la kippa peuvent y être portés. A Marseille l’école privée « catholique » Saint Joseph Viala, en quartiers Nord, compte presque 100% d’élèves musulmans.

Les enseignants, sont, eux, la plupart du temps fort éloignés de la question religieuse.

En raison de la perte d’influence de l’Eglise Catholique, les établissements privés sont choisis assez souvent par des familles non pratiquantes. Les catholiques intégristes, de plus en plus nombreux, les ont souvent quittés au profit d’écoles privées hors contrat.

Le privé en captant les élèves privilégiés sélectionne aussi les meilleurs et se place en concurrence directe avec le public. Et la bataille est fondamentalement inégale entre le public qui doit accueillir tous les élèves de son secteur et privé qui sélectionne ses élèves de manière opaque.

Le financement est assuré aux trois quarts par l’Etat (qui paie les enseignants) et les collectivités locales (qui prennent en charge les frais de fonctionnement) et pourtant la puissance publique ne joue pas le rôle de régulation qui devrait être le sien.

On pourrait pourtant ajuster le financement du privé sous contrat à son respect de la carte scolaire qui s’impose au public, mais depuis les grandes manifestations pour la défense des privilèges des écoles privées, il est bien difficile de s’y engager sans être accusé de remuer des souvenirs douloureux d’une soi-disant « guerre scolaire »

Les gouvernements de Droite en ont profité pour augmenter ces privilèges :

- La loi Carle (2009) a rendu obligatoire la contribution des collectivités aux écoles privées scolarisant des enfants en dehors de leur commune de résidence.

- La loi Blanquer (2019) qui crée l’obligation de scolarisation des enfants à 3 ans a déclenché de nouvelles aides aux écoles privées à la charge des collectivités locales.

Les gouvernements de Gauche ont été très frileux quand il s’est agi de toucher au financement public du privé, refusant de remettre en cause les lois scélérates votées par la Droite.
Pire, les accords Lang-Cloupet (1992) ont même permis d’augmenter la participation de l’Etat … à travers le forfait d‘externat et la prise en charge par l’Etat de la formation des maîtres du privé !

Ce qui fit que le privé put conserver le financement de la formation de ses maîtres au moment où le président SARKOZY supprima les IUFM …et la formation des maîtres du public.

- Quel diagnostic fait Pap NDIAYE ?

Sur les plateaux télé il confirme sa volonté de « combattre la ségrégation scolaire et sociale » qu’il considère comme « une bombe à retardement pour la société française ».

Il y a affirmé avec justesse que « les constats sont durs », et que « L’enseignement privé sous contrat devra apporter sa contribution » … mais comme il refusa ensuite d’ouvrir le débat sur le financement du privé cela restera un vœu … pieux.

Et pourtant, on aurait pu d’abord …

- limiter les subventions par la puissance publique de l’évitement scolaire des plus favorisés. Pas question.

- faire participer le privé à l’effort d’accueil de tous les enfants. Celui-ci s’y refuse obstinément. D’ailleurs si les représentants de l’enseignement privé catholique affirment : si « L’accueil des plus fragiles est au coeur des évangiles » ils précisent tout aussi tôt que « Nos valeurs sont incompatibles avec toute idée de carte scolaire ou de quotas ».

- au moins rendre transparentes les méthodes de recrutement des élèves du secteur privé pour s’assurer qu’il n’existe aucune forme de discrimination vis-à-vis des catégories défavorisées.

Mais on ne change surtout rien.

- assouplir et remanier la carte scolaire du public.

Mais on ne veut pas s’affronter aux politiques locaux qui gèrent ce dossier avec l’administration de l’Education nationale.

On aurait pu également s’inspirer d’autres initiatives :

- En 2016 Najat VALLAUD BELKACEM la seule ministre qui s’intéressa à la question, lança 80 projets de mixité qui devait concerner plus de 700 collèges. Pap NDIAYE lui a avancé le nombre de 200.

Mais le résultat n’a pas été très convaincant ; à peine quelques établissements semblent avoir mis en place quelque chose en 7 ans.

- Depuis 2021, à Paris le système d’affectation des collégiens dans les lycées publics dit Affelnet, a permis de diminuer la ségrégation scolaire de près de 40%. La réforme ne concerne que le public … y compris Louis Le grand et Henri IV temples publics de l’excellence où le taux d’élèves boursiers a doublé passant de 8 % à 17 %.

Mais il ne peut concerner que les grandes agglomérations et le privé qui scolarise 41% des élèves parisiens s’en tient bien à l’écart…

- Depuis 2019 le département de la Haute Garonne (à direction socialiste) accorde, applique un système de bonus-malus pour les crédits pédagogiques (54 euros par élève) attribués aux collèges.

Résultat pour 2022 : Bonus pour 56 collèges publics, Maintien pour 40 publics et 7 privés, Malus pour 14 collèges tous privés.

Cela reste modeste mais cela va dans le bon sens et aurait pu servir de modèle.

On aurait pu enfin

- reconsidérer l’attribution des postes d’enseignants en fonction des publics accueillis, en remettant en cause l’accord 20-80 qui accorde 20% des postes d’enseignants au privé contre 80% au public … sachant que le rapport des forces réel est plutôt 17-83 ce qui fait que le privé est plus subventionné , à ce niveau … que le public.

Rien de tout cela. Le ministre Pap NDIAYE a négocié un protocole « avec des objectifs non. contraignants » … parce que selon Philippe DELORME secrétaire général de l’enseignement catholique, le seul vrai frein pour les familles modestes de rejoindre l’enseignement privé, c’est « le coût de la cantine » pas assez subventionné à son goût.

Comme on le voit les pistes de travail ne manquaient pas. Et pourtant le résultat est aujourd’hui proche de zéro.
Pourquoi ?

On peut penser que Pap NDIAYE qui a pris dès le début ce dossier particulièrement à cœur

a trouvé des obstacles sur sa route :

la mauvaise volonté des responsables de l’enseignement privé catholique qui dès la première alerte lança une pétition très éclairante. (voir en annexe)

.

 L’opposition de la hiérarchie catholique à toute contrainte nouvelle :

Si l’école laïque n’est pas une institution comme les autres, car elle émane de la Nation et non d’une communauté, son but étant d’aider chaque jeune à se construire comme citoyen,

l’école privée elle, offre à une Eglise une légitimité en direction d’une clientèle trop souvent privilégiée.

L’assemblée des évêques de France n’a -t-elle pas décrété en 2008 que le statut de l’enseignement catholique « s’inscrit explicitement dans le droit canon afin d’éduquer pour évangéliser »

Elle participe aussi par ses libertés et ses choix à aggraver et légitimer les inégalités sociales et culturelles.

Elle contribue également à appauvrir le service public d’éducation.

Par son existence même l’enseignement privé subventionné qui se revendique de la « liberté de l’enseignement », combat « L’Etat qui éduque » comme le revendiquait CONDORCET partisan de l’Egalité dans l’Instruction.

La France est le seul pays au monde à entretenir deux services d’éducation et Michel DEBRE lui-même déclarait : « Il n’est pas concevable, pour l’avenir de la Nation, qu’à côté de l’édifice public de l’Education Nationale, l’Etat participe à l’élaboration d’un autre édifice qui lui serait en quelque sorte concurrent et qui marquerait, pour faire face à une responsabilité fondamentale, la division absolue de l’enseignement en France ». (Cité par Eddy KHALDI pdt DDEN mars 2023)

Cette crainte (réelle ou fausse on ne saura jamais) est devenue une triste réalité et aujourd’hui « on assiste à la nationalisation du privé et à la privatisation du public ».

 Le président MACRON n’a rien fait pour faire avancer ce dossier car il n’a pas visiblement la même conception que lui sur la question.

Son épouse non plus !

Rappelons qu’il a vécu sa scolarité à la Providence lycée catholique privé de tradition jésuite à Amiens, où enseignait Brigitte TROGNEUX devenue MACRON avant qu’elle n’exerce au lycée également jésuite Saint Louis de Gonzague à Paris.

Et leur conception commune n’est pas de brider le privé…. Bien au contraire

 Les oppositions forcenées des élus de droite. Bruno RETAILLEAU a menacé au Sénat de rallumer la guerre scolaire. Rien de moins

Le philosophe et ancien ministre Luc FERRY affirmant, contre toute évidence, à l’encontre de toutes les statistiques … que le Privé « à de rares exceptions pratique déjà très largement la mixité, tant sur le plan religieux que financier » aussitôt contredit par un rapport de la Cour des comptes.

.

 Les hésitations et faiblesses des élus de Gauche trop souvent sensibles aux thèses identitaires, différentialistes … alors que la tradition historique de la Gauche c’est l’Universalisme.

Nous posons un ultime question:

Pour quelle raison Pap NDIAYE a-t-il été nommé ministre de l’Education par Emmanuel MARON ?

Pour ses compétences ? Pour ses idées ? Pour son expérience ? On peut raisonnablement penser que non.

Pour la couleur de sa peau alors ? On peut hélas le croire.

Et cela nous rappelle l’épisode où en janvier 2004 Nicola SARKOZY était tout fier d’avoir nommé un préfet musulman : Aïssa DERMOUCHE.

On doit nommer un préfet, ou mieux un ministre, en fonction de ses compétences et non en fonction de sa religion ou de sa couleur de peau. Il serait tout aussi scandaleux de ne pas le nommer pour une de ces raisons.

Et l’on retrouve le débat qui traverse notre pays entre Universalistes et Identitaristes (on dit aussi Différentialistes) et la Gauche n’en fait pas exception :

 Pour les Identitaristes il faut donner de l’importance aux différences. Inspirés par la pensée poste coloniale ils réhabilitent et justifient ainsi sans doute contre leur volonté la notion de race.

Si on ne peut pas les qualifier de racistes, on peut au moins émettre l’hypothèse qu’ils ont une pensée racialiste.


 Pour les Universalistes nous devons être indifférents aux différences. S’appuyant sur les progrès des sciences en particulier la génétique, ils affirment que la race humaine n’existe pas.

Nous sommes tous différents mais nous sommes des homo-sapiens quelle que soit la couleur de nos yeux, de nos cheveux, de notre peau. Il est là le vrai combat anti-raciste.

Alors, fidèles à la pensée des Lumières et de CONDORCET soyons UNIVERSALISTES. Et oeuvrons pour que notre République le soit.

CONCLUSION

Il nous faut voir au-delà du symbole que représente la nomination l’Education Nationale d’un intellectuel noir, prudent et discret mais renommé, mais aussi sans réseau, sans équipe constituée sans marge de manœuvre, sans connaissance des arcanes de la machine Education nationale…dans une époque marquée par l’immédiateté des réseaux sociaux.

Sa méthode a atteint ses limites il est apparu souvent silencieux dans l’ombre du président ou plus grave de sa femme.

Cela se traduit par un décalage entre le discours tenu et les actions engagées. Comme quoi les personnes issues de la « société civile » peuvent tomber dans les mêmes travers que les politiques professionnels.

Un point à son crédit : son discours contre l’extrême droite ? il a qualifié justement Cnews de chaîne « très clairement d’extrême droite » sans beaucoup de soutiens de ses collègues.

Mais pour le reste le résultat n’est pas brillant en tout cas pas à la hauteur des espoirs de certains d’entre nous.

Le 26 août 2023

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