Cercle Condorcet de la Savoie
Cercle Condorcet de la Savoie

Choisir sa mort ?

Capture d e cran 2018 08 05 a 14 40 04Flyer choisir sa mort

Des points de vue variés au fil des lectures

 

Alors que le Comité consultatif national d’éthique vient d'ouvrir la voie à la légalisation d’une aide active à mourir Stéphane Velut, neurochirurgien et auteur de « La mort hors la loi » (Gallimard, 2021), explique l'importance, de débattre sereinement de cette question.

Je les entends déjà les détracteurs de tout nouveau débat sur la mort assistée, au prétexte qu’il y a plus urgent, que ce débat divise, que tout va bien comme ça ; les mêmes, souvent médecins, qui donc évacuent la pensée par crainte de se heurter à un échec, mais auront forcément envisagé la fin de leur propre vie, si ce n’est rangé dans un coin de leur chambre de quoi mettre fin à leurs jours tranquillement. Je fais partie de ces écureuils dont le privilège d’être du métier autorise à la sagesse en prévision de l’hiver

Il suffirait d’admettre par quelques mots qu’il est des exceptions où soulager au point d’abréger paisiblement la vie est justifiable, dans un texte qui ferait confiance en la sagesse ; alors je ne vérifierais plus la date de péremption de ce que je cache dans ma chambre.

S. Velut – La mort hors la loi – Tracts Gallimard

 

Mais que devient une demande que l'on écoute sans envisager d'y accéder ? N'y a-t-il pas
là une forme de condescendance, une arrière-pensée du « tu crois vouloir mourir, mais je
sais mieux que toi ce qu'il en est » ?
Non parce que l'écoute à laquelle je pense pourrait prendre pour modèle celle de la
psychanalyse : l'analyste ne prétend pas savoir ce que l'analysant pense ou désire, il l'invite
plutôt à approfondir son propre désir. Et cet approfondissement révèle toujours des surprises.
En l'espèce : que je vous donne la mort, est-ce là votre seul horizon ? Les cas où des
personnes écoutées, considérées, continuent de demander à mourir sont rarissimes. Faut-
il légiférer à partir d'exceptions ? Et au nom de la notion si « piégeuse » de dignité ?
L'acharnement thérapeutique me semble une chose terrible, mais la légèreté dans la
décision de donner la mort ne le serait pas moins.

Eric Fiat - Philosophe, spécialiste d’éthique médicale – Le Point avril 13/avril/2021

 

L’expression « mort délibérée » me paraît préférable à celle d’euthanasie ou de suicide. En effet, l’adjectif « délibéré » signifie à la fois l’idée d’une volonté, d’une décision affirmée (quand on dit qu’on fait quelque chose « délibérément ») – mais aussi l’idée d’une délibération, d’une réflexion approfondie avant la décision – ce qui n’est pas le cas du suicide ou de l’euthanasie qui peuvent être impulsifs, dictés par la fatigue ou la compassion.

F. Galichet https://philogalichet.fr/mourir-deliberement/ -

 

 

Accueillir la volonté de mourir, c’est travailler ensemble le lien que la maladie, le handicap et le grand âge menacent toujours de rompre. Il faut distinguer résolument le droit à mourir et l’écoute de la volonté de mourir. Le premier se réduit à une gestion de ceux qui ne veulent plus vivre, au risque d’une dépersonnalisation du lien, quand le second implique l’humilité de s’intéresser à l’autre, autant dire, d’aller à sa rencontre. Comme le disait Arthur Schnitzler : “Y a-t-il une oreille assez fine pour entendre le soupir des roses qui se fanent ?” Tout est là. »

Éric Fourneret Docteur en philosophie - Chercheur à l’Université Grenoble Alpes
Sommes-nous libres de vouloir mourir ?, - Albin Michel - 2018

 

Nous ne sommes pas des militants de l’euthanasie. Nous sommes des militants du choix, de la liberté, et de la dignité. Chacun en a sa propre conception. Pour certains, la dignité au moment de mourir, ce sont les soins palliatifs. Pour d’autres, c’est l’aide active à mourir. La dignité de chacun, ce n’est pas un savoir médical.

Nous sommes, par ailleurs, mobilisés pour rendre les soins palliatifs accessibles à tous, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il existe des territoires privés d’unités de soins, et d’autres où, malgré la présence d’unité de soins, il n’y a pas assez de moyens, de personnels qualifiés, de lits... »

Yoann Brossard, SG de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD)

 

Aujourd’hui, ce n’est pas une nouvelle loi qui nous manque, ce sont des moyens. Nous ne nous disons jamais : « Ce patient, nous ne pourrons pas l’accompagner parce que nous n’avons pas la loi qu’il faut ».

Les patients atteints de maladies dégénératives, incurables, font partie de notre quotidien. Nous les accompagnons tous les jours. Nous définissons avec eux le niveau de soins qu’ils souhaitent, à quel moment ils veulent qu’on limite les soins ou, parfois, qu’on les arrête. Et nous les accompagnons pour que cet arrêt de soins n’entraîne aucune souffrance, qu’ils puissent partir tranquillement. Tous les patients nous disent qu’ils voudraient vivre, dans les meilleures conditions possibles. Notre quotidien, ce ne sont pas des demandes de mort, ce sont des demandes de vie.

Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs

 

Soulager. Délivrer quelqu'un de ses maux inapaisables. Se mettre au service du malade et refuser l'attitude inverse, voilà la suprême noblesse des métiers du soin.

Accompagnons tous nos patients, en particulier ceux qui ne se résignent pas au mal-mourir français, qui aspirent à une mort sans souffrance. Une mort solidaire plutôt que solitaire.

Jean Louis Touraine - Professeur de médecine - ancien Député - https://www.admd.net/articles/medias/tribune-le-choix-en-fin-de-vie-appartient-aux-soignes-et-non-aux-soignants.html
 

« Lorsqu'une question soulève des opinions violemment contradictoires, on peut assurer qu'elle appartient au domaine de la croyance et non à celui de la connaissance.»

Voltaire

 

« La vérité appartient à ceux qui la recherchent, non à ceux qui prétendent la détenir.»

Condorcet