Henri PENA RUIZ remet les pendules à l'heure laïque ...
- Le 13/02/2025
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À écouter les partis politiques, les groupes de pression et les leaders d'opinion, tout le mondeou presque serait devenu des défenseurs sincères de la laïcité.
À y regarder de plus près, il n’en va pas exactement ainsi.
Démonstration avec Henri Peňa-Ruiz, philosophe et auteur du « Dictionnaire amoureux de la laïcité » qui a tenu le 9 décembre 2024 une conférence à la Mairie de St Etienne devant une salle comble ... et comblée.
(Un texte qui nous est transmis par nos amis du Cercle Condorcet Stéphanois)
Par Henri Peña-Ruiz Publié le 27/01/2025 dans MARIANNE
« Ce n’est pas la civilisation chrétienne qui a inventé la laïcité, mais la résistance aux violences qu’elle provoqua. Ce rappel vaut également pour les islamistes, prompts à voir dans la laïcité l’oppression d’une culture par une autre, voire une forme de racisme et de colonialisme. Loin d’être oppressive ou liberticide, comme le prétendent les fanatismes religieux et les idéologues qui éprouvent le besoin de l’affubler d’adjectifs lourds d’insinuations, la laïcité est un extraordinaire levier d’émancipation. À ce titre, elle fait partie du patrimoine de la « tradition des opprimés » chère à Walter Benjamin.
Des Cathares aux humanistes athées, des protestants victimes des dragonnades après la révocation de l’édit de Nantes aux Juifs marranes poursuivis par l’Inquisition dans l’Espagne d’Isabelle la Catholique, l’oppression fut cruelle. Une oppression que combattit avec courage le grand Spinoza, notamment dans le Traité théologico-politique, premier texte à demander la séparation de l’autorité politique et de l’autorité religieuse.
UNIVERSALISME LAÏQUE
Voir dans la laïcité un facteur de racisme est aberrant. Une symétrie se dessine entre l’idéologie ethnocentriste de l’extrême droite identitaire et l’enfermement communautariste promu par l’islamisme politique. L’universalisme laïque, construit à distance des préjugés, est aux antipodes de l’idéologie ethnocentriste des colonisateurs. Il est aussi à distance du communautarisme oppressif qui conjugue le totalitarisme théocratique et la domination machiste chère aux sociétés patriarcales.
En délivrant la loi commune des préjugés religieux qui assignèrent les femmes au statut de « deuxième sexe » dénoncé par Simone de Beauvoir, la laïcité a joué un rôle essentiel dans l’émancipation, de même qu’en déculpabilisant la sexualité de plaisir et l’homosexualité, mais aussi en ouvrant le chemin à l’interruption volontaire de grossesse, défendue par Gisèle Halimi, et légalisée par Simone Weil il y a juste cinquante ans.
Il est grand temps de cesser d’accabler la laïcité d’adjectifs multiples destinés à la relativiser, à l’affaiblir, voire à en donner des définitions contradictoires. Il est temps également de cesser de prétendre qu‘il existe plusieurs laïcités, comme le fait Jean Baubérot dans son désir obsessionnel de disqualifier l’idéal laïque, quoi qu’il en dise. Dans sa typologie des « sept laïcités françaises » (rien que cela !) Jean Baubérot parle, entre autres de « laïcité concordataire », ce qui est une notion contradictoire.
Or quand il énonce les traits constitutifs de la laïcité, lui- même cite l’égalité à côté de la liberté de conscience. En bonne logique, il ne devrait donc pas admettre l’expression « laïcité concordataire » puisque le concordat déroge au principe d’égalité en prévoyant le maintien de privilèges pour l’Église.
La notion de « laïcité concordataire » est un cercle carré. Il en va de même pour la notion de « laïcité identitaire » qui s’appliquerait au RN voire à une certaine droite classique. La laïcité fonde un cadre juridique pour assurer l’égale liberté des options spirituelles, athée, agnostique ou religieuses.
Mais elle n’impose aucune identité, car elle laisse chaque être humain libre de se définir comme il le veut, notamment en refusant de s’aliéner à des identités dites « collectives ». Concéder que le Rassemblement national serait laïque est une lourde erreur, doublée d’une faute irresponsable.
NOTIONS-PIÈGES
Trêve de notions-pièges, comme celle d’ « islamophobie ». Celle-ci, selon le regretté Charb dans Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes (Éditions Les Échappés) « laisse entendre qu’il est plus grave de détester l’islam, c’est-à-dire un courant de pensée parfaitement critiquable, que les musulmans eux-mêmes. Or, si critiquer une religion n’est pas un délit, discriminer quelqu’un en raison de son appartenance religieuse l’est incontestablement. ».
Faudra-t-il dénoncer également l’ « athéophobie » et en faire un délit ? Il est bien triste que le programme du Nouveau Front populaire mette sur le même plan l’antisémitisme, véritable racisme à combattre, et l’islamophobie, simple rejet d’une religion et non pas rejet de ceux qui la pratiquent. Qu’est-ce qui est respectable ? C’est évidemment la personne humaine, avec sa liberté de croire ou de ne pas croire, et non sa croyance. Que devient sinon la liberté d’expression ? La notion de « racisme antimusulman » ne joue pas sur l’ambiguïté que cultive celle d’ « islamophobie », notion piège destinée à interdire toute critique de l’islamisme.
On a le droit de rejeter la croyance et l’incroyance, mais non les personnes, qui d’ailleurs ne se réduisent pas à elles. Prétendre qu’un être se confond avec sa conviction et n’est capable d’aucune distance à son égard est une forme de mépris, ou de condescendance. On a une croyance, mais on n’est pas sa croyance, sauf dans une dérive fanatique. Les fanatiques refusent une telle distinction et se prétendant blessés dans leur être glissent vers le terrorisme. Mais qui peut oser les excuser ?
Protéger une religion sous prétexte qu’elle est celle des pauvres, c’est consacrer le supplément d’âme d’un monde sans âme. Il y a mieux à faire : lutter simultanément contre les causes sociales de la pauvreté et contre la mystification qui les fatalise. Bref, je suis et serai toujours Charlie. »
Commentaires
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- 1. Faure Le 14/02/2025
En espérant qu'il ne soit pas besoin de passer de l'heure d'été à l'heure d'hiver et que l'on puisse garder ce temps universel qui nous est proposé ici.
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