Cercle Condorcet de la Savoie
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  • Libres d’obéir Le management du nazisme à aujourd'hui

    FICHE DE LECTURE (proposée par P. Nicollin)

    Johann CHAPOUTOT ed° nrf essais Gallimard 2020 163pp

    On ne présente plus Johann Chapoutot spécialiste d'histoire contemporaine du nazisme et de l'Allemagne. Normalien. Docteur en Histoire.Prof à la Sorbonne Paris 1 .

    A travers la trajectoire de Reinhard Höhn (1904-2000), Johann Chapoutot montre comment l'homme, général SS au sommet de sa première carrière,théorise et organise les institutions militaires et civiles autour du concept de communautés dans lesquelles chaque groupe et finalement chaque individu est mu par des objectifs qui sont ceux de la communauté et ou la liberté de l'individu ne réside que dans le choix des moyens pour parvenir au plus vite et à moindre frais à le réalisation de ces objectifs. On a vu se répandre ces pratiques dans l'armée et la SS, mais aussi très vite dans les entreprises et les associations avec la modification des critères de subordination.

     

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  • École publique École privée : La lutte des classes

    CAROLINE FOUREST (Revue Franc Tireur)

    CLIQUER DEUX FOIS POUR LIRE

    La lutte des classes

  • LETTRE OUVERTE A HAÏM KORSIA, Grand Rabbin de France

    Auteur : Jean Glavany (lettre transmise par Michel Peisey)

    Mon cher Haïm

    Il y a bien longtemps, tu n’étais pas encore grand Rabbin de France mais Rabbin de l’Armée de l’Air - c’est comme cela que nous sommes connus grâce à mon père héros de la guerre contre le nazisme- tu as servi de guide à un groupe autour de plusieurs parlementaires, pour visiter le camp d’Auschwitz. A la fin de la visite, dans la nuit noire et un froid glacial accentué par le vent qui balayait la plaine polonaise, au fond du camp, tu nous a invité à une cérémonie de recueillement lors de laquelle nous avons déposé des bougies du souvenir à même le sol. A un moment, tu as dit « je voudrais demander à Jean de déposer une bougie à la Laïcité » et je me suis exécuté, ému, bouleversé même. Et c’est en pensant à ce moment qui a marqué ma vie que je veux m’adresser à toi pour répondre à ton interview paru dans Libération samedi au sujet de l’invraisemblable cérémonie qui a eu lieu à l’Elysée vendredi dernier. Je le fais au nom de notre amitié qui impose qu’on se parle franchement et au titre d’une certaine conception du dialogue républicain qui impose respect et mesure, courage de la nuance, refus de la polémique.

     

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  • La société ingouvernable Une généalogie du libéralisme autoritaire

    FICHE DE LECTURE (proposée par P. Nicollin)

    Grégoire CHAMAYOU ed°La Fabrique 2018 326pp

    Grégoire Chamayou, normalien, philosophe est actuellement chargé de recherches a u CNRS il est rattaché à l'IHRIM, Institut d'Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (UMR 5317), de l'ENS LYON

    https://www.youtube.com/watch?v=3rvDvlJF6AM

    https://journals.openedition.org/teth/2406

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  • La société idéale de demain aux yeux des Français

    Une enquête IPSOS à l'initiative de la Fondation Jean Jaurès et de la CFDT

    Marylise Léon, Mathieu Gallard

    À quoi ressemble la société que les Français et Françaises appellent de leurs vœux ? Une vaste enquête de la CFDT et de la Fondation Jean-Jaurès, menée par Ipsos auprès de plus de 8 000 personnes, esquisse cet horizon désirable, sur de nombreux sujets. Après le regard de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, Mathieu Gallard, directeur d’études au sein du département opinion d’Ipsos, livre la synthèse des résultats.

    Avant-propos, par Marylise Léon

    À quelle société les Français et les Françaises aspirent-ils ? Quel monde veulent-ils construire ? Pour quel projet de société souhaitent-ils se mobiliser ? Ce sont des questions que les adhérentes et adhérents de la CFDT se posent régulièrement, quand ils échangent sur leur travail et au-delà. Ce sont des questions que nous avons, avec la Fondation Jean-Jaurès, élargies aux citoyens par le biais de cette vaste enquête.

    Et toutes ces réponses esquissent, point par point, un horizon désirable. Souvent l’actualité effraie (guerres, réchauffement climatique…), souvent le quotidien pèse voire assomme (hausse des prix, discriminations, inégalités, canicule…). Alors dans ce contexte, comment ne pas céder au fatalisme ou au repli sur soi ? L’une des solutions, c’est justement de se fixer un point d’horizon pour pouvoir tracer un cap à suivre. Ce point d’horizon, c’est ce que nous propose cette enquête en repartant des attentes très concrètes des travailleurs et des citoyens de tous âges.

    Certaines de ces attentes confortent les constats posés par la CFDT. Le travail continue par exemple de représenter un élément important de la vie des citoyens et des citoyennes. Ils et elles souhaitent pouvoir donner leur avis sur son organisation, notamment pour pouvoir le concilier plus facilement avec les autres facettes de la vie.

    D’autres attentes vont à l’encontre des idées reçues. Dans la société idéale, l’information passe par les journaux ou la radio et non par les réseaux sociaux sur lesquels l’invective est facile et l’information pas toujours fiable. Autre élément rassurant, la démocratie reste le modèle privilégié même si ses modalités posent débat.

    Enfin, des attentes nous mettent au défi : dans la société idéale, la vie est plus calme, plus apaisée, moins rythmée par l’évolution des nouvelles technologies. Dans la société idéale, nous vivons plus proches des services publics mais aussi de la nature.

    Ce sont des aspirations qu’il faut entendre, comprendre et qui doivent guider nos actions. Cette enquête nous donne matière à réflexion. Le syndicalisme, c’est contester quand il le faut ; mais le syndicalisme CFDT, c’est d’abord proposer un projet de société qui réponde aux attentes réelles des travailleurs. La CFDT s’engage à le penser et à le construire, brique après brique, avec les travailleurs et les travailleuses.

    Synthèse des résultats, par Mathieu Gallard

    Ce qui rassemble les Français

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  • Israël-Palestine. Qui veut encore écouter l’autre ?

    Israël-Palestine.

    Qui veut encore écouter l’autre ?

    par

    Rachid Benzine

    Anne-Lorraine Bujon

    Martine Cohen

    novembre 2023

    Article proposé par Michel Peisey

    Au delà de l'émotion causée par les attaques terroristes du 7 octobre en Israël et la guerre qui ravage aujourd'hui Gaza, il nous faut retrouver les voies de l'action politique. Or celle-ci passe par la reconnaissance d'interlocuteurs prêts à entrer en dialogue. Nous appelons, aujourd'hui en France, à cette reconnaissance mutuelle, et à l'imagination critique de tous ceux qui voudraient participer ainsi à la construction de la paix.

    Les récits des horreurs et des souffrances vécues de part et d’autre, en Israël et en Palestine, bouleversent tous ceux qui, en France, tentent de réfléchir au « problème israélo-palestinien » et à sa solution. Pourtant chacun reste attaché émotionnellement aux souffrances de ses plus proches, ou de ceux dont il a épousé « la cause ». S’il peut comprendre intellectuellement la cause de l’autre, il reste comme empêché de lui prêter la même valeur.  Qui est prêt aujourd’hui à écouter les souffrances de l’autre ? Qui est prêt à le reconnaitre, dans son expérience comme dans ses droits ? Même ceux qui partagent a priori l’idée que la solution doit être politique plutôt que guerrière, et qu’elle doit impliquer la création d’un État pour les Palestiniens sans dénier le droit d’Israël à exister, même ceux qui partagent a priori cette visée commune… apportent le plus souvent des arguments en faveur d’un camp contre l’autre. Qui a le plus raison, qui a le plus tort : telle semble être leur ligne de défense – ou d’attaque. Quand ce n’est pas la dénonciation d’un « deux poids, deux mesures » !

    Jusqu’à quand chacun restera-t-il enfermé dans son propre récit ?

    Si l’écoute sélective est compréhensible, elle ne mène à aucune rencontre, à aucune tentative de trouver le chemin d’une entente. Ne serait-ce pas pourtant un début, si on veut sortir par le haut d’une guerre qui fait tant de victimes, civiles et militaires ? ...........

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  • LA NOMINATION, L’ACTION POLITIQUE et le DEPART de Pap NDIAYE

    LA NOMINATION, L’ACTION POLITIQUE et le DEPART de Pap NDIAYE

    …. Qu’en penser ?*

    *Avec l'aimable autorisation de nos amis du cercle Condorcet stéphanois

    Au moment où la rentrée scolaire 2023 s’approche, avec un nouveau ministre - un de plus - il n’est peut-être pas inutile de revenir sur l’expérience de son prédécesseur avec la spécificité qui fut la sienne.

    Sa personnalité, sa nomination, son action, sa « démission » méritent à coup sûr d’être analysées afin d’en tirer les enseignements utiles et peut être nécessaires.

    C’est ce travail que nous vous proposons.

    Farida GARARA et Marc MONDON

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    La nomination le 20 Mai 2022 de Pap NDIAYE, qui a en son temps beaucoup fait parler et y compris dans nos rangs, avait ses partisans qui voyaient dans sa nomination une rupture fondamentale et indispensable avec son prédécesseur, Jean Michel BLANQUER.

    Plutôt que du « En même temps » il s’agissait du « L’un après l’autre » !

    Et d’autres (nous en étions) étaient plus circonspects car cela apparaissait surtout comme une opération de basse tactique politicienne.

    Enfin on allait voir comment ce brillant intellectuel classé à Gauche allait s’en sortir.

    Son arrivée rue de Grenelle fut immédiatement saluée par de violentes attaques de la Droite plus ou moins extrême et plutôt favorablement par la Gauche à l’exception notable de Jean Pierre CHEVENEMENT.

    La Droite et l’extrême droite ne furent pas en reste : dès sa nomination, il dut porter plainte contre un « site nazi » au contenu glaçant « vociférant contre le cannibale NDIAYE destiné à promouvoir le génocide des blancs grâce à sa femme juive ».

    Maintenant qu’il a quitté sa fonction, (pour être rapidement recasé comme ambassadeur) on peut tenter, de préciser et d’analyser, d’une part la personnalité du personnage, et d’autre part son action gouvernementale.

    LA PERSONNALITE de Pap NDIAYE ...

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  • Les intellectuels face au terrorisme...

    Les intellectuels face au terrorisme : expliquer est-ce excuser ?

    Un texte d’Annie Barthélémy - Maître de conférence honoraire en Sciences de l’Education Université de Savoie Mont Blanc

    Expliquer est-ce excuser ? Cette question a fait l’actualité en février-mars 2016, suite au propos de Manuel Valls lors de la cérémonie du souvenir de l’attaque de l’Hyper-cacher du 9 janvier 2015 : « « Il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser ». L’indignation et la compassion poussent-elles à renoncer à expliquer ? En prenant appui sur le plaidoyer de Bernard Lahire : Pour la sociologie et les débats qu’il a suscités, nous nous proposons d’énoncer les raisons pour lesquelles cette science humaine est mise en accusation, de préciser les caractéristiques des explications sociologiques et de montrer le rôle qu’elles peuvent jouer dans le traitement politique de la violence.

     

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  • Économie solidaire : la source d'une nouvelle théorie économique

    Économie solidaire : la source d'une nouvelle théorie économique 

    Comment sortir de la crise économique ? De nombreux chercheurs s'interrogent et explorent de nouvelles pistes de recherche. C’est le cas de nos travaux synthétisés dans le livre « Principes d’économie solidaire » (2011). Ce livre concluait à la nécessité de changer radicalement notre façon de concevoir l'économie pour sortir de l'impasse actuelle. A l'encontre du libéralisme, cette nouvelle vision de l'économie (que nous nommons le délibéralisme) repose sur une idée simple : en démocratie, la meilleure façon d'allouer des ressources n'est pas la main invisible du marché, mais la délibération des différentes parties en présence. Le délibéralisme se fonde sur l'étude des expériences innovantes de l'économie solidaire : ressourceries, Réseaux d’échanges réciproques de savoirs, etc… 
     
    La chute du mur ne marque pas la fin de l'histoire, mais souligne les faiblesses de notre système économique 
    La chute du mur de Berlin semblait affirmer le triomphe du marché autorégulateur. Mais la crise est passée par là. Elle rappelle non seulement les insuffisances du marché, mais réaffirme aussi le caractère profondément politique de l’économie. Le marché généralisé ne saurait être la « fin de l’histoire » ; plus que jamais, le système économique de demain est à inventer. Quel sera-t-il ? Personne ne le sait, mais beaucoup le souhaitent plus juste, plus démocratique, plus responsable. Dans cette perspective, l’économie solidaire offre de très sérieuses pistes de réflexion. Elle recouvre quatre spécificités : 
    - Un militantisme politique qui combat la globalisation économique en œuvrant pour une mondialisation de la solidarité. 
    - Un ensemble de pratiques économiques qui dynamisent un territoire tout en s’affranchissant des mécanismes de l’offre et de la demande ou de la spéculation monétaire. 
    - Un projet global de société, une utopie qui redonne l’espoir d’une société plus juste en proposant d’élargir (à la sphère économique) et d’approfondir (plus de participation) la démocratie. 
    - Un nouveau modèle théorique qui repose sur l’idée que, dans la société de connaissances qui émerge, le meilleur facteur d’allocation des ressources n’est pas le marché, mais la délibération. 

    L’intérêt d’une étude approfondie de l’économie solidaire est donc de nous pousser à renouveler notre approche de l’économie 
    Tout comme A. Smith, à son époque, découvrant les lois de marché à partir d’initiatives économiques innovantes (manufacture des épingles), il nous semble possible de s’appuyer sur les initiatives solidaires les plus novatrices pour faire émerger le principe qui les caractérise : la délibération (Habermas, 1997). Ce terme est un concept clef de la démocratie. Cette dernière ne se réduit pas à une procédure : le vote des dirigeants. La démocratie se caractérise par l’existence d’un espace public où est débattu l’intérêt général. Or, la question de la production et de la répartition des richesses est, inévitablement, prise dans ce débat. Cependant, dire que l’ordre économique est un constituant essentiel de la société démocratique ne signifie pas que démocratie et capitalisme ne font qu’un. Fernand Braudel (1980) définit la société comme étant « l’ensemble des ensembles », un jeu d’alliances et d’oppositions entre des systèmes ayant leur logique propre : l’économique, le politique, le symbolique. Intégrer, dans l’analyse économique la dimension politique et symbolique, ce n’est pas simplement revenir à une économie politique chère aux classiques. C’est surtout se donner les moyens de saisir la complexité du contexte (la société démocratique) dans lequel s’insère l’économie de nos sociétés. Il ne s'agit donc pas de nier les particularités de l’économie, mais d'en proposer une nouvelle vision, une économie non plus séparée de la réalité démocratique, mais régie par le même mode de régulation : la délibération. Effectivement, la délibération, entendue comme construction de normes communes à travers la confrontation de points de vue différents portés par des acteurs égaux en droit, est déjà une réalité économique. On la retrouve, par exemple, dans la gestion des biens communs décrite par le prix Nobel E. Ostrom (2010), dans l’émergence de la société de la connaissance (Wikipédia, par exemple) et, bien sûr, dans la plupart des initiatives de l'économie solidaire. Ce qui justifie le terme de délibéralisme que nous utilisons pour caractériser le modèle économique alternatif que porte en elle l'économie solidaire. 


     

    Le « délibéralisme » : une nouvelle théorie qui débouche sur une approche évaluative de l’ordre économique 
    Partant d’un désir de participer au renouveau de la conceptualisation de l’économie, nos travaux s’inscrivent dans ce que nous nous proposons d’appeler le « délibéralisme ». Il s’agit d’un jeu de mot qui souligne que la liberté n’est pas l’apanage du libéralisme, qui marque la possibilité de construire un modèle théorique opposé au modèle libéral et qui inscrit notre démarche dans un cadre théorique interdisciplinaire où la délibération est comprise comme principe régulateur de l’économie des sociétés démocratiques. En effet, comme le montrent très bien les recherches de J.L. Laville (2010), les initiatives solidaires, par la mise en œuvre « d’espaces publics de proximité », prouvent que la délibération collective constitue, au même titre que les arbitrages de marché ou la régulation étatique, un principe économique. Les initiatives solidaires démontrent la possibilité concrète de produire, distribuer et dépenser « autrement », en demandant leurs avis aux différents acteurs, c’est-à-dire en assujettissant les variables économiques aux décisions émanant de la délibération collective. Autrement dit, les normes économiques peuvent provenir d'un débat contradictoire entre acteurs. C’est ce que nous appelons l’approche évaluative de l’économie. Le terme « évaluatif » doit être entendu dans ses deux sens. D’une part, l’économie est la mise en valeur monétaire des ressources qui permet leur évaluation. D’autre part, la taille de l’économie et son importance dans la société dépendent de l’évaluation des acteurs (du choix d’étendre ou de restreindre la monétisation aux différentes activités). Ainsi, notre approche ne postule pas la rareté (certains biens peuvent l'être, d'autres non), mais définit l’ordre économique comme étant celui de la valorisation des ressources. Or, selon le Trésor de la langue française, une ressource est « un moyen permettant de se tirer d’embarras » . Ainsi, dire que l’ordre économique est celui de la valorisation des ressources signifie qu’il est celui de l’utilisation de moyens naturels, humains et artificiels au service de l’amélioration du bien-être. Cet ordre économique englobe des activités non monétaires, l’autoproduction par exemple, et des activités monétaires ce que nous nommons l’économie. En effet, en partant de la distinction de C. Lefort (1986) entre le politique (l’élaboration de la norme) et la politique (la lutte pour le pouvoir), nous distinguons le symbolique (la circulation du croire) de la symbolique (l’utilisation des symboles) et donc l’économique (la valorisation des ressources) de l’économie (la valorisation monétaire des ressources). Apportons deux précisions : 
    - L'économie est donc définie, dans cette construction théorique, comme étant la sphère de la valorisation monétaire. Cette définition de l’économie (les échanges monétaires) est minoritaire, mais pas isolée. Par exemple, B. Schmitt (1984) ou des membres de l’école de la régulation comme F. Lordon et A. Orlean (2006) font, également, de la monnaie, le critère d’existence de l’économie. 
    - Cette valorisation monétaire ne passe pas forcément par l’utilisation de la monnaie officielle. Un SEL (Système d’Echange Local) ou une monnaie sociale font, pour nous, pleinement partie de ce que nous appelons l’économie. 

    Tableau N°1 : Délibéralisme et néoclassique : deux visions opposées de l'économie

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    En s’appuyant sur ses pratiques innovantes, il est possible, d’un point de vue théorique, de conceptualiser l’économie solidaire comme un nouveau modèle opposé au modèle dominant néoclassique (tableau 1). L’originalité de cette recherche tient au fait que le cadre théorique proposé n’est pas un cadre principalement économique mais articule économie, politique et symbolique. Il ne s’agit pas de penser l’économie comme extérieure au social mais comme devant être encastrée dans nos démocraties. Sortir de la crise n'est possible que si l'on sort d'une conception inadaptée de l'économie.

    Êric Dacheux – 24 janvier 2022 à Chambéry – Faut-il défaire le capitalisme pour refaire la démocratie ?

     

  • PAROLE EN HAUT SILENCE EN BAS

    DANIÈLE SALLENAVE

    de l’Académie française

    « Faut que le peuple français, on arrive à se reprendre en main, et on doit se faire entendre. » Zeynab, 17 ans, en terminale économique et sociale, Trappes

    Extraits

    1.Octobre 2020, une succession d’actes terroristes frappe la France.

    Comble d’horreur, un professeur d’histoire est poignardé à mort puis décapité pour avoir montré dans sa classe une caricature du prophète Mahomet. L’indignation de la classe politique est unanime, les réactions solennelles et les hommages officiels se multiplient, les débats se succèdent dans les médias. Soumis à la répétition de mots chargés d’une aura inquiétante, islam, terrorisme, immigration, livré à une solitude et une angoisse grosses de toutes les dérives, le simple citoyen se tait.

    Tout cela est terriblement lourd. On a le sentiment de frôler des gouffres, de ne trouver nulle part aide ni réconfort. Face à un discours officiel qui règne sans partage, et ne se soucie pas d’ouvrir un grand débat démocratique où tous se sentiraient associés aux décisions qu’imposent ces événements dramatiques, je l’avoue sans détour : jamais je n’ai eu autant besoin de connaître l’opinion de mes concitoyennes et concitoyens. Jamais je n’ai eu autant besoin de partager avec eux mes interrogations. Sur les attentats, leurs causes, leurs motivations. Sur les caricatures de Mahomet, aussi, disons-le franchement. Les actes des terroristes qui en prennent prétexte sont abominables et ne peuvent susciter qu’une condamnation absolue, sans réserve. Mais sur leur utilisation, sur leur inspiration, sur ce qu’elles disent et leur manière de le dire, est-ce qu’elles font l’unanimité? Qu’est-ce qu’on en dit dans les familles, dans les foyers clos, derrière les portes refermées ? On ne le sait pas.

    La parole tombe d’en haut. Le silence règne en bas. Un silence collectif, troué d’un fourmillement de discours incontrôlés, incontrôlables, substituts dangereux d’une vraie parole démocratique.

    Pourquoi ce silence ? Parce qu’il y a des sujets tabous ? Parce que la parole d’en haut intimide? Ou peut-être pour une raison plus générale : la liberté d’expression est « l’un des droits les plus précieux de l’homme », mais de ce droit individuel expressément garanti à chacun par la loi, la grande majorité n’a presque jamais l’occasion de faire un usage public. Je ne parle pas des journaux, des médias, des publications. Je parle du citoyen ordinaire. Sans doute les textes sont-ils explicites. Toutes nos constitutions s’inspirent de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) selon lequel «la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus pré- cieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Mais justement, ce simple citoyen, quand, où, comment s’exprime-t-il ? Sur sa page Junior, le site du Sénat concède :

    « C’est avant tout par le vote que les citoyens peuvent s’exprimer.» Cet «avant tout» est admirable! Et le reste du temps ? Comme s’il avait prévu l’objection, le rédacteur s’empresse de compléter : « Il y a le droit de manifester.» Et puis aussi «les référendums» (ça n’est pas très souvent, on en conviendra). Avant de conclure par une généralité qui se veut rassurante : « de plus en plus de structures sont mises en place pour que chacun puisse s’exprimer sur les choix qui affecteront son quotidien ».

    2. Comme pour couper court à toute protestation, on me rappellera que nous ne

    sommes pas dans une période tout à fait normale car, dans le même temps, nous devons faire face à une pandémie aux conséquences encore imprévisibles, mais certainement très lourdes. En d’autres termes que nous sommes en guerre. Mars 2020 : le président de la République décrète la « mobilisation générale » contre le coronavirus, « un ennemi invisible, insaisissable ». Quelques mois plus tard, après les attentats terroristes de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, c’est au tour du ministre de l’Intérieur, « nous sommes en guerre face à un ennemi qui est un ennemi extérieur et intérieur ».

    Les temps de guerre ne sont pas, à l’évidence, les plus favorables à la libre expression du citoyen/de la ........

    4ème de couverture

    Jamais je n’ai eu autant besoin de connaître l’opinion
    de mes concitoyennes et concitoyens. Jamais je n’ai eu autant besoin de partager

    avec eux mes interrogations.

    Sur les attentats, leurs causes, leurs motivations.
    Sur les caricatures de Mahomet, aussi, disons-le franchement.

    L’innombrable, c’est celui qui ne profite pas de la fameuse liberté d’expression

    devenue la valeur majeure de la République. C’est celui à qui elle ne s’applique pas. Qui porte un invisible bâillon. Un des noms de ce bâillon est : légitimité. C’est très compliqué, cette question de l’accès à la parole, orale, écrite. De se sentir légitime, ou interdit. Qui la donne, la légitimité ? Et comment vit-on l’illégitimité ? La vraie inégalité est là. Entre ceux

    qui ont un accès à la parole et ceux qui ne l’ont pas.

    DANIÈLE SALLENAVE EST L’AUTEURE D’UNE TRENTAINE DE ROMANS, RÉCITS, ESSAIS ET PIÈCES DE THÉÂTRE. ELLE A ÉTÉ ÉLUE LE 7 AVRIL 2011 À L’ACADÉMIE FRANÇAISE. TRÈS ENGAGÉE DANS LA PROMOTION DE LA LECTURE AUPRÈS DES JEUNES, ELLE A FONDÉ ET ANIME L’ASSOCIATION « SILENCE, ON LIT ! ». ELLE A PUBLIÉ DERNIÈREMENT, AUX ÉDITIONS GALLIMARD, L’ÉGLANTINE ET LE MUGUET (2018) ET JOJO, LE GILET JAUNE (« TRACTS », 2019).

    (extraits du livre en feuilletage libre sur internet avec possibilité d’achat.)

    http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/Grand-format/Parole-en-haut-silence-en-bas

  • « La laïcité n’est pas une identité, et n’a pas la fonction d’exclure »

    Olivier Abel

    TRIBUNE. Pour le philosophe, spécialiste de Paul Ricœur, il faut « à la fois faire place à la diversité des mémoires, même minoritaires, tout en s’assurant que la majorité se reconnaisse dans un récit commun ».

    Vraiment la laïcité n’est plus ce qu’elle était !

    À entendre les propos de certains ministres, qui veulent reprendre en main ce qu’ils appellent « le portage de la laïcité », celle-ci semble devenue une machine à exclure. D’une part, à écarter de l’espace politique les interlocuteurs que l’on veut discréditer, en les taxant d’ « identitaires d’extrême droite », et pourquoi pas de « communautaristes islamo-écologistes » ! D’autre part, à humilier et à refouler de la société civile les diverses traditions et confessions religieuses. Le paradoxe est que ce sont ceux-là mêmes qui tiennent ces propos qui redéfinissent la laïcité comme l’identité française. Au temps de l’Action Française, l’athée Charles Maurras faisait du catholicisme l’identité exclusive de la France : aujourd’hui le laïcisme en a subrepticement pris la place, et la fonction. Bravo !

    Mais la laïcité n’est pas une identité, et n’a pas la fonction d’exclure. Elle répond à une autre et difficile question : comment faire un avec du multiple, sans écraser le multiple ni désagréger l’un. La laïcité est un cercle pluriel, autour d’un centre vide. Ce n’est pas le pilier moniste de l’identité de la Nation, ni un outil de contrôle et de formatage des âmes. Son but n’est pas de refouler les religions dans le for intérieur des citoyens. Dire « vous pouvez croire ce que vous voulez chez vous, mais ne l’exprimez pas dans l’espace public », c’est exactement ce que l’Etat absolu de Louis XIV disait lorsqu’il pourchassait les religions non conformes au Culte royal. Il faut avoir ce souvenir en tête : les protestants avaient représenté jusqu’à un tiers de la population française et ce n’est qu’en les persécutant et finalement en les expulsant que la France est devenue un Etat-nation (Jules Michelet le rappelle dans sa grande « Histoire de France »[1], qui prépara justement la loi de 1905).

    Tout le travail des Lumières est-il à refaire ?

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  • Développements et actualité de la notion de biopolitique dans l’œuvre de Foucault

    Annie Barthélémy mars 2021

     

    Ce texte est une version écourtée d’une intervention faite aux Ateliers Ricœur de Besançon lors d’une conférence sur le thème : gouverner en temps de pandémie, qui reprenait une expression de l’historien Patrick Boucheron. Il explique en quoi la notion de bio politique a été introduite par Michel Foucault pour montrer comment a évolué l’exercice du pouvoir depuis le XVIIIème siècle. Les analyses de Foucault datent de la fin des années soixante-dix mais l’éclairage qu’il donne du pouvoir libéral peuvent éclairer la situation actuelle et les répercussions de la politique sanitaire sur nos vies.

     

    Le masque ? Objet biopolitique. Le test PCR gratuit ? Incitation biopolitique. Confiner ou chercher l’immunité collective ? Débat biopolitique. Préserver l’économie ou sauver les personnes âgées et vulnérables ? Choix biopolitique. Tracer les clusters et les cas-contacts par voie numérique ? Surveillance biopolitique. Messages répétés sur la distanciation physique ? Éducation biopolitique. Chiffres, courbes, algorithmes des cas positifs ? Administration biopolitique. Ménager les capacités hospitalières ? Exigence biopolitique. Traquer les fêtards ? Police biopolitique. Fermer les bars et les frontières nationales ? Justification biopolitique... « La pandémie de Covid-19, c’est la fête à la biopolitique ! ironise le philosophe Mathieu Potte-Bonneville, spécialiste de Michel Foucault à qui l’on doit la paternité de cette notion. Toutes les questions posées par Foucault – celle de l’articulation du politique et du médical, celle de la surveillance, celle de l’instrumentalisation des arguments médicaux pour des mesures de gestion de la population – sont au cœur de ce moment biopolitique extrême. »

    Dans le titre d’un article du Monde du 20 avril 2020 : « Quand Michel Foucault décrivait « l’étatisation du biologique », Annie Cot professeur à La Sorbonne employait l’expression «l’étatisation du biologique» pour désigner la biopolitique; dans une première approche en effet l’accolement des deux termes « bio » et « politique » renvoie à une politique qui se donne la vie biologique de la population comme cible. Mais saisir le sens de cette notion exige, comme le souligne l’auteur de l’article de revenir au contexte dans lequel Michel Foucault avance cette notion. Je le ferai en resituant la notion dans l’œuvre du philosophe pour revenir ensuite à son succès actuel.

     

    "Lire la suite" pour parcourir une trame en cinq points de l’analyse de la pensée de Michel Foucault

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  • « Il va falloir peut-être admettre que 2020 nous prépare douloureusement à l’idée de devoir vivre autrement »

    Claire Marin

     

     

    Par Nicolas Truong

     

    Philosophe des épreuves de la vie, Claire Marin explique dans un entretien au « Monde » comment la crise sanitaire accentue les ruptures sociales, professionnelles ou familiales et nous prépare « douloureusement à vivre autrement » en 2021.

    Entretien. Née en 1974, Claire Marin est philosophe et enseigne dans les classes préparatoires aux grandes écoles à Paris. Membre associée de l’Ecole normale supérieure, elle dirige le Séminaire international d’études sur le soin. Autrice de Rupture(s) (L’Observatoire, 2019), un ouvrage remarqué sur la philosophie de la séparation, elle analyse la façon dont la crise sanitaire affecte notre intimité.

    Dès le début de la crise sanitaire et du confinement de la population française, liés à la pandémie de Covid-19, la société a voulu se projeter vers « le monde d’après ». Pourquoi l’expression – qui a pratiquement disparu – paraît-elle obsolète aujourd’hui ?

    Pour traverser et supporter une épreuve, on a d’abord besoin de se dire qu’elle aura une fin, qu’elle ne durera pas indéfiniment et qu’elle a un sens : qu’elle permettra une clarification des lignes, une redéfinition plus satisfaisante de notre existence, un changement social, politique, économique...

    Bref, on a besoin de penser que les sacrifices qu’elle exige, la souffrance qu’elle impose, seront d’une certaine manière compensés par l’entrée dans une autre réalité où l’on trouvera des bénéfices, des améliorations.

    On a besoin de l’inscrire dans un mouvement dialectique où le négatif est le passage obligé pour atteindre une situation meilleure. Le négatif aurait quelque chose de purificateur, d’une certaine manière. Car ce qui est insupportable, c’est de penser que l’épreuve puisse ne servir à rien, ne rien changer. C’est pour cette raison sans doute que l’on a tant parlé du « monde d’après », cette représentation nous aidait à tenir dans les moments angoissants.

    « En période de confinement, la maison n’est plus seulement un espace de repos, elle peut devenir lieu d’enfermement »

    Or, assez rapidement, cette image soutenante d’un « monde d’après » a disparu. Plus personne n’emploie cette expression, si ce n’est de manière ironique. On est en train d’intégrer plus ou moins consciemment l’idée que le schéma qui s’annonce n’est sans doute pas celui d’une séparation nette et franche entre l’avant et l’après, mais celui d’un glissement vers un nouveau rythme d’existence, fait de crises et de moments plus calmes, plus « normaux », dans une alternance dictée par des priorités sanitaires.

    Sans jouer les Cassandre, il n’est pas impossible que ce genre d’épisodes s’inscrive dans une série plus longue. Il va falloir peut-être admettre que 2020 nous prépare douloureusement à l’idée de devoir vivre autrement. Même si l’on espère désormais, de manière beaucoup plus modeste, un simple « retour à la normale », on mesure bien tout ce qui a été changé, pour le meilleur et pour le pire. Et on peut s’inquiéter légitimement des impacts à long terme de ces modifications du travail, de l’enseignement, du soin, du rapport à la sécurité et des relations entre les individus

    Parmi les désirs de changement ou de rupture, il y a le souhait assez répandu de changer de vie, notamment en s’installant à la campagne. Comment penser cette envie de vivre ailleurs et autrement ?

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  • Projet de loi sur le Séparatisme Une initiative nécessaire, mais une orientation dangereuse

    Gérard Delfau - 17 septembre 2020.

    Ancien sénateur, directeur de la collection Débats laïques, L’Harmattan, et du site www.debatslaiques.fr, auteur, avec Martine Charrier, de l’ouvrage Je crois à la politique, 664 pages, L’Harmattan, 2020.

     

     

    Décidément le président Macron n’est guère inspiré, lorsqu’il s’agit de légiférer à propos des dérives religieuses, qui troublent l’ordre public. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la laïcité ne lui est guère familière. Et, sur le terrain des rapports du Pouvoir politique avec les religions, il va de fausses routes en impasses.

    On se souvient de l’étonnante manifestation de soumission qu’il avait donnée, lui Président de la République, en se rendant à la cérémonie des Bernardins, tout au début de son mandat. Son geste suscita une large réprobation. Un peu plus tard, il y eut l’annonce en fanfare d’un projet de loi pour "réviser la loi de 1905". Devant la vive hostilité suscitée par son initiative, il a renoncé. Et nous avons salué ce retour à la sagesse et ce respect d’une tradition, qui a fait de la loi de Séparation l’un des fondements de notre démocratie.

    Or, voilà qu’aujourd’hui il récidive, en programmant un projet de loi sur le séparatisme. Certes, nul ne peut contester qu’il faille renforcer notre législation, et donc l’autorité publique, contre les dérives de nature religieuse, qui, dans certains territoires, portent atteinte à l’égalité des droits des femmes, au respect des minorités sexuelles, à la libre critique des religions, y compris sous forme de caricatures, etc. Cette demande est ancienne, et elle a donné lieu au vote de la loi interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école, dite loi sur le voile, en 2004. Mais alors se pose le problème délicat de l’intitulé du futur texte, et donc de son orientation générale. Comment énoncer l’objectif poursuivi ? Par quel vocable résumer une situation aussi complexe ?

    Pendant longtemps, on a parlé de "communautarisme", pour désigner d’un terme générique la multiplication de ces entorses aux normes et aux valeurs de notre République, au sein d’une population le plus souvent en souffrance et vivant dans des quartiers en déshérence, sous influence de l’islam politique. Puis, le procès contre cette dénomination, accusée de stigmatiser une catégorie de Français, appartenant à la minorité musulmane, n’a cessé d’enfler. Et, en février, le Président Macron a déclaré qu’il renonçait au mot "communautarisme", et qu’il allait dès lors utiliser le terme de séparatisme. C'est donc avec cette nouvelle appellation qu'apparaît aujourd'hui le projet de loi, dont le Parlement doit incessamment débattre. Or, si l’objectif de renforcer l’autorité de l’État par rapport aux dérives dues à l’islam politique est légitime - et il est même urgent -, faire voter un projet de loi sur le séparatisme serait une faute politique. Pour deux raisons au moins.D’abord, parce que la terminologie introduit une confusion dangereuse ............

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  • Débat : faut-il annuler la dette ?

    Agnès Bénassy-QuéréCheffe économiste du Trésor`

    Jézabel Couppey-SoubeyranMaîtresse de conférences enéconomie à l'université Paris-1et conseillère scientifique àl'Institut Veblen

    Moins de recettes et plus de dépenses, les caisses publiques sont fortement sollicitées afin d’absorber le coût de la crise du Covid. Pour financer ces déficits accrus, la France, comme les autres Etats, a émis de la dette à tour de bras ces derniers mois. Celle-ci devrait dépasser les 115 % du PIB cette année.Une fois la pandémie maîtrisée, et la situation revenue à la normale, faudra-t-il rembourser cette facture colossale, qui est venue s’ajouter à notre dette qui frôlait les 100 % du PIB ? Pourra-t-on au contraire l’annuler, du moins partiellement ? Agnès Bénassy-Quéré, chef économiste du Trésor, et Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences en économie à l’université Paris-1, en débattent.

    L’augmentation de la dette est perçue comme une bombe à retardement pour certains, ou au contraire le seul moyen pour soutenir l’économie et financer la relance pour d’autres. Quelle est votre analyse ?

    Agnès Bénassy-Quéré : La crise a un triple effet négatif sur les comptes publics. Elle réduit les recettes perçues par l’Etat, elle accroît ses dépenses et, enfin, elle abaisse le produit intérieur brut (PIB) qui est le dénominateur des ratios de déficit public et de dette.

    Le plan de relance en tant que tel ne va pas dégrader les comptes publics. Le rehaussement du PIB attendu grâce aux mesures est équivalent au déficit supplémentaire engendré, de l’ordre de quatre points de PIB. En clair, la dette va augmenter de quasiment 20 points de PIB entre 2019 et 2020, mais ensuite le taux d’endettement dépendra moins du plan de relance que de notre rythme de croissance et de la manière dont nous financerons nos dépenses récurrentes.

    Lorsque le taux d’endettement est élevé, la croissance du PIB a un impact énorme sur son évolution. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un petit calcul :lorsqu’on part d’une dette de 100 % du PIB, et que ce même PIB diminue de 10 %sur l’année 2020, l’endettement augmente mécaniquement de dix points avant même qu’un seul centime n’ait été dépensé dans la relance.

    Cela montre l’importance cruciale qu’il y a à rehausser notre richesse nationale de manière durable. Il en découlera également plus d’emplois, et une assiette élargie pour les impôts qui viendra augmenter les recettes de l’Etat.

    L’exemple de la Grèce est assez parlant de ce point de vue puisque les plans d’ajustement budgétaire qui lui ont été imposés à partir de 2010, en échange des aides d’urgence, n’ont pas réussi à abaisser le ratio dette/PIB en raison d’un effondrement du

    PIB. En Italie aujourd’hui, ce ne sont pas les déficits budgétaires en tant que tel qui inquiètent les investisseurs, mais le fait que la croissance soit en panne depuis des années.

    Jézabel Couppey-Soubeyran : Cette crise nous impose de réaliser des dépenses publiques massives. ...........

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  • « On a besoin de sortir du cadre »

    Par Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste

     

    Comment avez-vous réagi au « quoi qu’il en coûte » du président Macron en mars dernier ?

    Cette expression faisait écho à une formule de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, en juillet 2012. En pleine crise des dettes souveraines, il avait habilement déclaré qu’il agirait « whatever it takes ». Cette formule avait rassuré les marchés financiers. Macron a sans doute pensé qu’elle pourrait aussi rassurer les Français. Cela signifiait que les États seraient prêts à apporter une réponse budgétaire à cette crise sanitaire, alors que, depuis la création de la zone euro, on a fonctionné avec une politique économique déséquilibrée, reposant exclusivement sur la politique monétaire de la BCE. Une politique conçue pour des chocs qui toucheraient tous les États de la même manière, sans égard pour le cas particulier de chaque pays. La pandémie nous a forcés à manier ce levier budgétaire en parallèle du monétaire. C’est le point positif de cette crise.

    Pourquoi ce qui était impossible au nom de la rigueur budgétaire est-il devenu possible ? ......

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  • "Les Français ne sont pas un troupeau de moutons ou une garderie d’enfants"

    François Sureau, écrivain et avocat, est l'invité du grand entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé à 8h20. Il évoque le confinement actuel, et ses inquiétudes sur ses conséquences à plus long terme sur notre démocratie et nos libertés.

    France Inter - 7 à 9 - mercredi 1er avril 2020

    "[Le confinement] est d’abord une épreuve intime, personnelle", explique François Sureau. "Ces derniers jours, un de mes plus vieux amis a vu sa femme mourir à l’hôpital et avec sa fille n’a pas été autorisé à assister à la levée du corps. Comme des millions de Français, ils sont dans le même état que moi, je me fais du souci pour mon père en EHPAD avec un personnel qui s’occupe de lui, incroyablement dévoué, qui veille aux portes dans une atmosphère de forteresse : si le coronavirus rentre, ils mourront par dizaines."

    Il souhaite aussi rappeler le rôle de ceux qu'on ne voit pas : "Notre vie est envahie par des personnalités publiques, dont tout le monde connait le nom, qui en quelque sorte entrent chez nous en permanence pour nous rassurer, nous protéger, nous dire des choses utiles ou beaucoup plus contestables. Et derrière tout ça il y a une foule d’anonymes qui font leur travail extraordinaire."

    "La vie l'emportera"...

     

     

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  • Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise

    Bruno Latour - Philosophe et sociologue, Professeur émérite au médialab de Sciences Po - Publié par AOC

     

    Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.

    Il y a peut-être quelque chose d’inconvenant à se projeter dans l’après-crise alors que le personnel de santé est, comme on dit, « sur le front », que des millions de gens perdent leur emploi et que beaucoup de familles endeuillées ne peuvent même pas enterrer leurs morts. Et pourtant, c’est bien maintenant qu’il faut se battre pour que la reprise économique, une fois la crise passée, ne ramène pas le même ancien régime climatique contre lequel nous essayions jusqu’ici, assez vainement, de lutter.

    En effet, la crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n’est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible. Si nous avons de bonne chance de « sortir » de la première, nous n’en avons aucune de « sortir » de la seconde. Les deux situations ne sont pas à la même échelle, mais il est très éclairant de les articuler l’une sur l’autre. En tout cas, ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir d’autres moyens d’entrer dans la mutation écologique autrement qu’à l’aveugle.

    La première leçon du coronavirus ...

     

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  • Exhortation aux médecins de la peste Albert Camus

    Publié avec un autre texte en avril 1947 dans les Cahiers de La Pléiade, sous le titre « Les Archives de La Peste », Exhortation aux médecins de la peste a probablement été écrit par Albert Camus en 1941, soit six ans avant la parution de La Peste dont il constitue l’un des travaux préliminaires.

    Alors que le grand roman d’Albert Camus est lu et relu aujourd’hui dans le monde entier, en toutes langues, la collection « Tracts », avec l’aimable autorisation de la Succession Albert-Camus, vous propose de découvrir ce texte méconnu, mais d’une brûlante actualité, dans lequel l’écrivain adresse ses recommandations aux médecins dans leur combat quotidien contre l’épidémie.

    Les bons auteurs ignorent si la peste est contagieuse. Mais ils en ont le soupçon. C’est pourquoi, messieurs, ils sont d’avis que vous fassiez ouvrir les fenêtres de la chambre où vous visitez le malade. Il faut se souvenir simplement que la peste peut être aussi bien dans les rues et vous infecter de la même façon, que les fenêtres soient ouvertes ou non.

    Les mêmes auteurs vous conseillent aussi de porter un masque à lunettes et de placer, au-dessous de votre nez, un linge imbibé de vinaigre. Portez également sur vous un sachet composé des essences recommandées dans les livres, mélisse, marjolaine, menthe, sauge, romarin, fleur d’oranger, basilic, thym, serpolet, lavande, feuille de lauriers, écorce de limon, et pelure de coings. Il serait souhaitable que vous fussiez entièrement vêtus de toile cirée. Cependant, cela peut s’accommoder. Mais il n’y a point d’accommodements avec les conditions sur lesquelles bons et mauvais auteurs sont d’accord. La première est que vous ne devez tâter le pouls du malade qu’après avoir trempé les doigts dans du vinaigre. Vous en devinez la raison. Mais le mieux serait peut- être de vous abstenir sur ce point. Car si le malade a la peste, cette cérémonie ne la lui enlève point. Et, s’il en est indemne, il ne vous aura pas fait appeler. En temps d’épidémie, on soigne son foie tout seul, pour se garder de toute méprise.

     

     

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  • “Les politiques ont la tentation de faire de la crise un champ d’expérimentation autoritaire"

    Avant de spéculer sur le monde d’après et la sagesse qui sera la nôtre après cette crise majeure... regardons avec quelle aisance et quelle satisfaction les leaders des démocraties se voient eux-mêmes en chefs de guerre et manifestent leur goût du contrôle des populations, prévient le philosophe Michaël Fœssel.

    Michaël Fœssel - Avril 2020 - Philosophie Magazine

    Philosophe et professeur à l’École polytechnique, il est l’auteur de plusieurs livres dont les titres résonnent profondément avec l’actualité, comme La Privation de l’intime (Seuil, 2008), Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique (Seuil, 2013) ou encore Le Temps de la consolation (Seuil, 2015). Son dernier essai Récidive. 1938 (PUF, 2019) propose une plongée dans les articles des journaux de l’année 1938 et s’interroge sur la cécité devant la montée des périls.

    Philosophie Magazine - Vous avez écrit un essai intitulé Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique. Sommes-nous aujourd’hui devant un monde suspendu, un monde abîmé, un monde qui se métamorphose ?

    Michaël Fœssel : Aujourd’hui comme à l’époque où j’écrivais cet essai, il me semble que la notion de monde n’est pas liée à la question de la vie. Je considère que le monde, c’est d’abord et avant tout un horizon social et perceptif, une certaine manière d’organiser le temps, de le scander. J’appelle monde l’ordre ordinaire collectif de nos vies, l’horizon de nouveauté qui l’entoure et non leur simple conservation biologique. C’est pourquoi notre monde est – je l’espère,
    momentanément – annulé par le confinement. D’autre part, il y a monde quand on peut se projeter dans l’avenir de manière relativement assurée. Et là, on voit bien que, même au niveau gouvernemental, les décideurs ne savent pas, ne peuvent pas nous dire combien de temps cette crise va durer. Chacun est obligé de refaire monde au niveau de son domicile – je parle bien sûr de ceux qui sont confinés –, et ce n’est pas facile, peut-être même est-ce impossible, en ce sens où le monde suppose un rapport à l’altérité. Tout le paradoxe actuel, c’est qu’on nous demande d’être solidaires depuis nos solitudes.

    Pensez-vous que nous allons revenir au monde d’avant, ou qu’il y aura une reconfiguration ?

    Comme lors de chaque crise majeure, certains s’empressent de déclarer que rien ne sera plus jamais comme avant, que nous sommes déjà entrés dans le monde d’après. Je me méfie de ces discours. Bien sûr, nous ne retrouverons pas la situation précédente à l’identique. Mais tout dépend des changements qui vont se produire. Si ce que l’on remet en cause, ce sont les idéologies managériales, les conceptions productivistes et anti-écologiques qui d’une certaine manière nous ont menés là, alors l’effort de transformation de nos habitudes et de nos cadres de pensée peut être bienvenu. Maintenant, si le caractère dramatique de la situation et la peur qu’elle suscite doivent signifier – comme on en perçoit déjà les signes – qu’on va prendre des mesures sécuritaires et biosécuritaires renforcées, si l’on se met à nous vanter le modèle chinois comme supérieur à celui des démocraties, si cette période de quarantaine sert à mettre en place des outils de surveillance numérique, de zonage et de contrôle des populations dont l’usage se pérennise, l’après sera peut- être même pire que le pendant. Nous voilà ramenés à une problématique philosophique assez classique : est-ce que l’exceptionnel doit devenir normatif ? Comme nous vivons une crise de nature virologique, elle ouvre de surcroît une ère du soupçon. L’autre ne représente-t-il pour moi qu’une menace ? Universalisées, de telles suspicions empêchent de faire monde. Jusqu’où va-t-on aller ? Enverra-t-on des drones surveiller les rues, comme dans les mégapoles chinoises ? Si l’on suit cette pente, nous allons vers des évolutions fortes de nos sociétés, mais pas vraiment celles auxquelles aspirent ceux que j’appellerai les « utopistes du monde d’après ».

    “Quelle que soit leur nécessité circonstancielle, les mesures adoptées par la France sont inadmissibles en regard de ce qu’est un État de droit”

     

    Ne seriez-vous pas, pour une fois, d’accord avec le président des États-Unis Donald Trump, qui s’est exclamé qu’il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal ?

     

     

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